Si le contexte économique et politique en France ne prête pas toujours à l’optimisme, les entreprises françaises (contre toute attente ?) continuent de se mobiliser pour l’intérêt général. La preuve avec le dernier Baromètre du mécénat d’entreprise, piloté par Admical, qui révèle que plus de 170 000 entreprises mettent la main à la poche. Décryptage !
Une progression qui ne passe pas inaperçue
Depuis plus de deux décennies, le Baromètre du mécénat d’entreprise mesure les évolutions du mécénat d’entreprise en France, et sa dernière édition, publiée en 2024, repose sur des données fiscales récoltées auprès de la Direction Générale des Finances Publiques, couplées à une enquête menée par l’IFOP. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 2018 et 2023, le nombre d’entreprises déclarant des dons a quasiment doublé, tandis que le montant total des dons a bondi pour atteindre 3 milliards d’euros. Si l’on inclut les dons non déclarés, le soutien global grimpe même à 3,8 milliards d’euros !
Il faut aussi noter l’impressionnante diversité des mécènes. Des TPE aux grandes entreprises, chacun y met du sien. Les grandes structures représentent près de 40 % du budget total consacré au mécénat, mais ce sont bien les petites et moyennes entreprises (PME et TPE) qui forment l’épine dorsale de ce mouvement, avec 97 % des entreprises mécènes.
Un mécénat qui se tourne vers le local
Autre enseignement clé du Baromètre : l’ancrage territorial du mécénat s’accélère. Aujourd’hui, près de 9 mécènes sur 10 concentrent leurs efforts à l’échelle locale ou régionale. Une progression de 12 points par rapport à la précédente édition, qui témoigne d’une volonté des entreprises de se rapprocher des problématiques de leurs territoires. L’idée est simple : agir au plus près des besoins pour avoir un impact concret et immédiat.
Dans cette logique, certaines régions tirent particulièrement bien leur épingle du jeu. Les Pays-de-la-Loire et la Bretagne, par exemple, brillent par leur dynamisme. Mais cet ancrage territorial n’est pas qu’une question de géographie ; il reflète aussi les priorités des entreprises. Si incarner les valeurs de la société reste la première motivation des mécènes (40 %), renforcer le lien avec le territoire arrive désormais en deuxième position, devant même la valorisation de l’image de l’entreprise.
Le sport en tête d’affiche
L’année des Jeux Olympiques et Paralympiques a également rebattu les cartes du mécénat. Pour la première fois, le sport rafle la première place dans la répartition des budgets, captant 40 % des montants alloués. Une hausse spectaculaire de 12 points en seulement deux ans. Les mécènes du sport, souvent des petites entreprises, soutiennent principalement des associations locales, montrant une fois de plus l’importance de l’ancrage territorial.
Mais ce virage sportif n’est pas sans conséquence… François Debiesse, président d’Admical, met en garde sur cette montée en puissance du sport, qui se fait au détriment d’autres secteurs, comme la culture et le social, qui peinent à suivre le rythme. Dans un contexte économique tendu, cette réallocation des budgets pourrait poser problème, notamment pour des structures qui dépendent largement des subventions publiques.
La culture résiste et innove
Malgré tout, le mécénat culturel garde une place de choix dans les priorités des entreprises, avec 28 % des mécènes actifs dans ce domaine. La musique reste le domaine privilégié, suivie des arts visuels et du théâtre. Une nouveauté intéressante : l’émergence du « mécénat croisé », où des projets culturels intègrent des enjeux sociaux, environnementaux ou de formation. Une approche hybride qui permet d’élargir les horizons et de répondre à des problématiques plus globales.
Le mécénat de compétences, un levier d’avenir
Enfin, impossible de parler mécénat sans évoquer le mécénat de compétences. Aujourd’hui, 16 % des entreprises mécènes offrent cette possibilité à leurs collaborateurs, un chiffre stable mais significatif. Plus qu’un simple geste de solidarité, cette pratique s’inscrit dans une démarche stratégique pour les entreprises, qui voient dans le mécénat de compétences un moyen de renforcer l’engagement de leurs employés tout en répondant à des enjeux sociaux.
Et, fait notable, les entreprises semblent prêtes à aller plus loin. Le nombre de jours accordés pour le mécénat de compétences est en forte hausse, avec 39 % des mécènes permettant à leurs collaborateurs de s’investir 6 jours ou plus par an. Une progression impressionnante de 35 points, qui montre que cette pratique gagne du terrain.
Maintenir le cap malgré les incertitudes
Dans un contexte économique marqué par l’instabilité, les entreprises affichent une résilience remarquable. En effet, selon l’étude, 74 % des mécènes prévoient de maintenir leur budget au même niveau dans les deux prochaines années. Une preuve de l’importance qu’elles accordent à leur rôle dans la société, même en période de crise. Pour Admical, cette édition du Baromètre confirme que le mécénat est devenu un véritable pilier dans les stratégies d’engagement des entreprises françaises. Yann Queinnec, délégué général de l’organisation, le résume ainsi : « Les entreprises veulent agir pour l’intérêt général et le faire avec un impact local fort. »
Une enquête complète et des perspectives prometteuses
Cette 11e édition du Baromètre, fruit d’un partenariat avec des acteurs majeurs comme le MEDEF ou le ministère de la Culture, s’appuie sur une méthodologie rigoureuse. Près de 700 entreprises ont été interrogées par l’IFOP, offrant un panorama riche et détaillé de la situation du mécénat en France. Et ce n’est pas fini : en 2025, une série d’études régionales viendra compléter ce travail, permettant d’affiner encore davantage la compréhension des dynamiques locales. Un focus particulier sera mis sur les Hauts-de-France, avec une publication prévue à l’occasion du Mécènes Forum à Lille en octobre.
Un bilan entre optimisme et vigilance
Vous l’aurez compris à ce stade, le mécénat d’entreprise (qu’il soit artistique, culturel ou sportif) en France continue de croître, porté par une diversité d’acteurs et des initiatives innovantes. Les entreprises, grandes ou petites, jouent un rôle clé dans le financement de l’intérêt général, avec des priorités qui reflètent à la fois les défis de la société et leurs propres valeurs. Cela dit, les disparités entre secteurs montrent que cette progression apporte son lot de défis. Rappelons que si le sport bénéficie d’un coup de projecteur bienvenu, d’autres domaines risquent de pâtir de ce rééquilibrage budgétaire. La vigilance reste donc de mise, pour que cette belle dynamique ne laisse personne sur le bord du chemin.